Entretien avec Jean Claude Pressac...( 3/4 )
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Quand avez-vous quitté Faurisson?
Tout en menant cette étude «dérivatrice», je continuais simultanément le travail sur
les plans et les dossiers des crématoires d'Auschwitz-Birkenau. Je relevais de plus en
plus de «traces d'aménagement criminelles» et le comble est qu'elles étaient nouvelles
et inconnues de tous, aussi bien des associations d'anciens déportés qui attaquaient
Faurisson que de ce dernier. Ces «bavures criminelles» des SS et des civils
commençaient à peser fortement sur mes relations avec le dit Professeur, lesquelles
s'étaient distendues à partir de décembre 1980. Un jour d'avril 1981, une crise se
produisit entre lui et moi parce que nos divergences d'interprétation étaient devenues
abyssales et inconciliables. Faurisson prétend qu'il m'a mis dehors, manu militari. Il y
eut séparation, point final. Je lui laissais d'ailleurs gracieusement dix-sept plans
explicatifs des crématoires que j'avais dessinés pour l'aider à comprendre les
problèmes techniques et qu'il considérait comme «magistraux». Il les utilisa après
dans plusieurs conférences. Que cette rupture lui ait été catastrophique et qu'il en ait
été furieux, je le conçois, mais pour moi, sa thèse ne tenant plus, je ne pouvais plus
continuer à travailler pour lui.
Durant votre passage chez les révisionnistes, lesquels avez-vous connus?
J'ai connu assez peu de révisionnistes, trois exactement en dehors de Faurisson. Éric
Delcroix, l'avocat de Faurisson, politiquement de droite, qui soutient et défend encore
fanatiquement les délires d'inexistence de son client. Serge Thion que j'ai dû
rencontrer une ou deux fois en comprenant immédiatement rien qu'à le voir, qu'il
n'était pas de mon bord - politique - et que nous n'avions rien à nous dire, ce qui
n'a pas empêché, à la suite de la publication de mon livre «Les crématoires
d'Auschwitz» aux CNRS-Éditions, de nous parler au téléphone, mais toujours pour ne
rien dire. Et enfin Pierre Guillaume, connaissance incontournable puisque toutes les
réunions de ce petit monde se tenaient chez lui. Guillaume est un ancien «Brution»,
appellation de ceux qui sont passés au Prytanée Militaire de la Flèche dont je suis.
Étant d'extrême-gauche, c'est au nom de fumeuses théories marxistes qu'il a
découvert, aidé et publié Faurisson. Guillaume n'a jamais vérifié le travail du
«Professeur», ce qui le plaçait dans une situation de sujétion intolérable. Ayant gardé
un contact épisodique avec lui après ma rupture avec Faurisson, jamais, au cours de
nos entretiens, il ne put contrer mes affirmations en face. Puis, par derrière, dans des
écrits méprisants, il se gaussait de mes travaux, sans avancer la moindre preuve à
l'appui de ses railleries.
Qu'avez-vous fait après cette rupture avec Faurisson?
A l'époque, je perdais beaucoup. En particulier, toute sa documentation, du moins le
pensai-je. Quand je parle de la documentation de Faurisson, je devrai dire plus
exactement celle du musée d'Oswiecim. Les quatre plans Bauleitung des crématoires
(deux du 1, un du Il et un du IV) qu'il possédait venaient de là. Les photos, aussi. La
correspondance des SS avait été fournie par les parties adverses et généreusement
traduite entièrement en français. Ses armes, il les prenait chez l'adversaire. Faurisson
vivait sur les autres et attendait d'eux qu'ils prouvassent l'infaillibilité de son
hypothèse. Payé par l'Éducation nationale à ne rien faire, adulé mondialement comme
«pape» du révisionnisme, il avait déclaré à la défunte revue «Zéro» que les chambres
à gaz étaient «magiques» et permettaient de vivre confortablement. Depuis 1980, il
exploite de naïfs idéalistes, tels Pierre Guillaume, Carlo Mattogno, Henri Roques,
Ernst Zündel, Fred Leuchter, John C. Ball, David Irving, moi-même, etc., dont il a
parfois brisé la carrière en les entraînant dans «la plus grande aventure intellectuelle
de cette fin de siècle».
Pour reconstituer le fonds de documents sur lesquels j'avais travaillé, je retournai au
musée d'Oswiecim, exposai la situation à Iwaszko, le prévins que je n'étais toujours
pas convaincu et lui demandai son aide. En peu de temps, j'ai dépassé le niveau
documentaire faurissonien. Afin que mes résultats soient incontestables, j'ai dû
effectuer une vingtaine de séjours en Pologne. Au début, Iwaszko ne comprenait pas
mon obstination à rassembler toutes les pièces concernant les crématoires et les
installations de gazage, d'épouillage et homicides. Les employés du musée
travaillaient alors sur les historiques des multiples camps annexes du complexe
concentrationnaire et cette question centrale, mais ancienne pour eux, ne les
concernait plus. Elle avait été menée à la fin de la guerre par le juge polonais Jan
Sehn, qui fut chargé d'instruire le dossier d'accusation de l'ex-commandant du camp,
Rudolf Höss. Mort dans les années soixante-dix, il ne l'avait pas exploité à fond
comme je m'en rendis compte, vu que je suivais ses traces. J'ai simplement continué le
travail de cet homme dont je respecte la mémoire.
Cette recherche me fut extraordinairement intéressante, bonifiante et m'a probablement transformé.
Un camarade l'a comparé à une initiation maçonnique. J'ai eu à escalader un pic
montagneux. A mesure que l'ascension progresse, la vue s'améliore. Ainsi, j'ai pu
juger le combat entre Faurisson et Georges Wellers, directeur du CDJC (Centre de
Documentation juive Contemporaine) de Paris. Wellers se parait d'un titre honoraire
de la Faculté de médecine de Paris et se drapait dans sa dignité d'ancien déporté racial.
Faurisson se targuait de sa suffisance infaillible de professeur et de l'auréole du martyr
de la Vérité. Leur niveau de connaissances étant égal, ils se battaient à coup d'articles
autoritaires et cinglants, sans que l'un puisse l'emporter sur l'autre, parce que leurs
arguments étaient pitoyables, faute d'avoir acquis l'ensemble des données pour
trancher. A une certaine hauteur, on rencontre de moins en moins de monde et,
soudain, c'est la solitude complète. J'avoue que ce fut très dur. Je fus bientôt obligé
pour parler, banalement parler, de mes problèmes de me rendre au musée d'Oswiecim
pour rencontrer Iwaszko. Et même cela devint difficile, car le domaine que j'explorais
n'était pas la spécialité d'Iwasko qui portait sur les conditions de vie des détenus dans
l'ancien camp.
Les évidentes modifications successives des bâtiments crématoires, en fonction des
besoins des SS, expliquaient mes interrogations et levaient mes doutes initiaux. Bien
sûr, ce ne fut pas soudain, comme une révélation céleste, mais progressif, au fur et à
mesure que je m'enfonçais dans la lecture de tous les écrits et plans de la Bauleitung
SS et des entreprises civiles allemandes, ce que personne n'avait réalisée. De plus,
qu'une étude technique des crématoires puisse révéler de sérieuses erreurs dans
l'histoire officielle d'Auschwitz, établie et diffusée depuis quarante ans par des
historiens renommés, ne me serait jamais venu à l'esprit. Voici une retombée
immédiate, mais mineure, de l'étude des crématoires relative au livre du Dr Miklos
Nyiszli, Médecin à Auschwitz. Il raconte que, dans le crématoire Il ou il vécut sept
mois, quatre ascenseurs montaient les corps des gazés de la chambre à gaz souterraine
à la salle des fours au rez-de-chaussée. Huit plans de la Bauleitung, ainsi que les
ruines, n'en montrent qu'un. Médecin légiste, donc précis et rigoureux, il ajoute
qu'on entassait 3.000 personnes dans 210 m2, disposition irréaliste. Nyiszli est mort
dans les années cinquante et son manuscrit en hongrois n'a pas été retrouvé. Par
contre, existent de multiples traductions de son récit, propagé dans le monde entier.
Les documents allemands sur le massacre des juifs sont rares. Berlin ayant été
bombardé, les offices centraux SS y siégeant ont vu leurs papiers flamber. La masse
des documents décisifs, dits «centraux», portant les ordres, a été anéantie. Au
contraire des documents de certains camps de concentration, qui furent saisis à la
libération, et dits «périphériques». On cherche donc à reconstituer les ordres
«centraux» à partir des pièces «périphériques», quelles qu'elles soient. D'où
l'importance d'établir une chronologie de la construction et de la transformation
criminelle des crématoires de Birkenau, permettant de compenser le manque de
documents «centraux». Je n'ai pu vraiment ébranler la chronologie du massacre des
juifs à Auschwitz qu'après avoir consulté la totalité des documents de la Bauleitung
SS d'Auschwitz, c'est à dire après avoir réuni au fonds des archives d'Oswiecim celui
des archives du KGB moscovites.
Comment avez-vous été accepté ensuite comme historien?
Jusqu'à la publication de mon premier ouvrage important,
Auschwitz: Technique et fonctionnement des chambres à gaz , je fus appuyé par trois personnes.
Iwaszko m'ayant prié de porter un livre à un ancien détenu français de Monowitz
(ou
Auschwitz III), Jacques Zybermine, celui-ci me mit en contact avec Georges Wellers.
Ce dernier me demanda un échantillon de mon savoir. Les documents portant sur les
crématoires IV et V de Birkenau étant relativement peu nombreux, je rédigeai sur ces
bâtiments un texte d'une vingtaine de pages et le lui donnai. Puis, j'attendis sa
réaction. Il n'en eut pas. Grâce à de nouveaux documents provenant de mes voyages
répétés à Oswiecim, j'étoffai mon écrit initial qui fut porté à quarante pages, que je
communiquai à Wellers. Toujours pas de réaction. Wellers bloquait mon travail, parce
que les pièces allemandes que j'utilisais lui étaient totalement inconnues et que ces
données originales dérangeaient son ordonnance personnelle de cette histoire. Le peu
que j'ai fourni sur les crématoires IV et V, par rapport à ce que j'avais accumulé sur
les II et III, était déjà beaucoup trop révolutionnaire pour lui. Lors d'un entretien en
tête à tête, nous avons discuté violemment sur une photo SS de mai-juin 1944
montrant le crématoire IV. Visible de tous alors, il n'était pas «camouflé» comme
WELLERS le pensait et comme le montrait une photo aérienne ultérieure, entouré
d'une haie. Il refusait de se rendre à l'évi[633]dence et n'acceptait pas le fait. Un
aveuglement aussi délibéré, aussi stupide, me stupéfia. Je découvris que, comme
Faurisson, Wellers avait pareillement des limites bornées et infranchissables. Mes
travaux l'intéressaient tant qu'ils confortaient ses idées, mais il était hors de question
de publier ce qui le contrariait.
Je fus très dérouté par l'attitude irrationnelle de Wellers et ne savais que faire. Ayant
été impressionné par Un Eichmann de papier, article paru dans la revue Esprit et
dénonçant Faurisson, je téléphonai à l'auteur, Pierre Vidal-Naquet et lui déclarai que
s'il désirait un second mémoire d'Auschwitz, j'étais en train de le constituer. Je lui
remis un livret d'environ 80 pages, toujours sur les crématoires IV et V. Vidal-Naquet
estima valable ma démonstration sur l'évolution des bâtiments, déplora avec justesse
que mon écrit fût mal organisé et donc impubliable, mais conclut que les documents
produits étaient trop importants pour rester ignorés. Il trouva une solution en me
«propulsant» comme intervenant au colloque L'Allemagne nazie et l'extermination des juifs qui se
tint à la Sorbonne du 29 juin au 2 juillet 1982.
Dans l'après-midi du 30 juin, j'y parlai exactement 18 minutes en projetant 36 diapositives de
documents
inconnus de cette docte assemblée. Vidal-Naquet me félicita - et pour cause, étant le
seul à avoir produit du matériel historique neuf - quoiqu'il ait pensé qu'il existait une
chance sur mille pour que je tourne casaque au dernier moment et défende les thèses
révisionnistes. Voyant l'effet obtenu par mon intervention, Wellers qui participait au
colloque, assis juste à côté de moi, m'annonça que, désormais, l'impression de mes
résultats était urgentissime. En septembre, Le Monde juif, la revue du CDJC, publiait
un article sur les crématoires IV et V de Birkenau. Dans l'introduction, Wellers, forcé
de présenter l'article et de reconnaître l'originalité de mon travail, y condamnait ma
théorie sur l'évolution de l'arrangement intérieur. En vain d'ailleurs, puisque les
documents la confirmaient. Et j'ai poursuivi, seul, mes recherches.
C'est au musée d'Oswiecim que me fut présenté tout à fait par hasard
L'album d'Auschwitz diffusé par Serge Klarsfeld dont j'avais entendu parler en tant que
«chasseur de nazis». Je n'accepte pas la démarche qui consiste à traîner devant les
tribunaux des vieillards gâteux parce qu'ils ont participé ou furent les auteurs de
«crimes contre l'humanité», définition hautement aléatoire de certaines actions
générées par la guerre. Je ne crois pas à la valeur éducative des procès, surtout que les
témoignages, les débats et parfois des pièces produites ne sont ensuite plus
consultables pendant cinquante ou cent ans. L'histoire se construit sans haine, avec
lucidité, à partir des documents restants, permettant de contrôler les dires des
participants. Ayant appris par le musée d'Oswiecim que Klarsfeld vivait à Paris et
malgré mes réserves sur son activité qui devinrent de plus en plus fortes au fil des ans,
je lui téléphonai pour me procurer L'album d'Auschwitz. Je croyais être un parfait
inconnu pour lui. J'avais oublié ma publication dans Le Monde juif. Il me remit un
exemplaire de L'album que j'ai commencé immédiatement à étudier.
C'était une reproduction d'un album photographique réalisé par un SS lors du transfert des
juifs
de Hongrie à Auschwitz en mai et juin 1944. Une partie, sélectionnée pour travailler
dans les usines d'armement, fut envoyée un peu partout en Allemagne et le reste,
liquidé. Ce fut l'ultime fois où les crématoires II, III et V, ainsi que l'installation dite
Bunker 2, fonctionnèrent simultanément. Le dernier grand massacre d'Auschwitz. Le
ou les photographes SS avaient enregistré l'arrivée de ces gens, leur descente des
wagons, leur séparation en deux colonnes - hommes d'un côté et femmes et enfants de
l'autre, leur sélection par les médecins SS pour le travail ou la mort, le départ des
inaptes vers les crématoires - les II et V à cette époque, et leur entrée sur le terrain de
ces bâtisses. Trois photos étaient importantes car elles montraient en arrière plan des
victimes les crématoires III et IV. Mais le «reportage» SS s'arrêtait devant les
crématoires et l'ultime étape des femmes, enfants et vieillards condamnés ne fut pas
photographiée. Elle fut dessinée après la guerre par un membre du
Sonderkommando du crématoire III, David OLERE.
L'album que diffusait Klarsfeld était un document brut, sans légendes. J'ai recherché
les séquences prises par les SS et ai reclassé l'ensemble en les situant à Birkenau. Ce
travail fut publié par Le Seuil en 1983. En 1985, Klarsfeld me fit réaliser une courte
étude sur les gazages homicides du camp de Natzweiler-Struthof, que sa fondation
publia. En octobre 1989, la somme de mes recherches sur Auschwitz-Birkenau fut
publiée en anglais, toujours par la fondation Klarsfeld, sous le titre
Auschwitz: Technique and Operation of the Gas Chambers .Ce «pavé» ne fut tiré qu'à mille
exemplaires, mais suffit pour asseoir ma réputation parmi les historiens spécialistes du
sujet. Ensuite, j'ai rédigé une réfutation du fameux rapport Leuchter, toujours publiée
en anglais. L'ouverture des archives du KGB à Moscou et la redécouverte des archives
de la Bauleitung SS d'Auschwitz, saisies par les Soviétiques en 1945, me permirent
d'effectuer une synthèse complète de cette histoire que publièrent fin 1993 les
Éditions du CNRS sous le titre Les crématoires d'Auschwitz.
Pensez-vous que l'on puisse attribuer une connotation politique au
révisionnisme?
Pour de nombreuses personnes, le révisionnisme est l'apanage de l'extrêmedroite.
De nos jours. Lorsque j'ai rencontré Faurisson en 1980, l'extrême-gauche
contestait la présentation officielle de l'univers concentrationnaire et la réalité des
chambres à gaz homicides, acceptées alors bon gré mal gré par l'extrême-droite. Puis
devant le succès certain de ces «mises en doute», cette dernière a récupéré à son
compte ce cadeau inespéré qui l'exemptait d'une tare majeure.
En fait, tout dépend du champ d'application du mot «révisionnisme». Le premier
révisionnisme contemporain portait sur la responsabilité du déclenchement de la
première guerre mondiale. Les Alliés accusaient les Centraux d'avoir déstabilisé le
mécanisme des alliances européennes, devenu incontrôlable après la mobilisation
austro-hongroise. En 1919 à Versailles, les Allemands furent voués à la vindicte
universelle et chargés de toutes les turpitudes imaginables, inventées par la
propagande de guerre alliée. Le véritable responsable de cette inutile boucherie était
la Russie, appuyée et financée par la France, et qui, en mobilisant son armée la
première, provoqua par là en quatre ans la mort de huit millions d'hommes. Bien que
le fait soit patent et ait été connu dans les années trente, comment le faire accepter aux
«poilus» sacrifiés en vain et pour qui le «boche» demeurait l'ennemi héréditaire?
Après la seconde guerre mondiale, le même problème de la responsabilité se reposera,
mais une véritable réponse ne sera possible et donnée que lorsque tous les acteurs du
conflit auront disparu. La question principale du révisionnisme actuel - qui porte la
responsabilité de l'embrasement? - n'étant pas encore traitable, restaient les «locales».
D'abord, les bases juridiques du procès de Nuremberg furent attaquées. Sa procédure
expéditive, la rétroactivité des accusations et l'acceptation de charges sans preuves,
furent dénoncées en France par Maurice Bardèche qui récidiva avec les procès dits de
Dachau où le personnel américain avait torturé les SS jugés. Ensuite et toujours en
France, les conditions de vie dans les camps de concentration furent abordées par un
ancien détenu, Paul Rassinier. Le rôle de la Häftlingsführung [organisation des camps
par les détenus], aux mains des communistes qui s'en glorifiaient pour le «bien» qu'ils
y avaient fait, fut présenté par Rassinier comme étant nuisible, parfois mortel, pour les
détenus non communistes, c'est-à-dire la grande majorité des déportés. A l'époque, on
croyait que chaque camp de concentration possédait sa propre chambre à gaz
homicide pour liquider les juifs, les communistes et les détenus au stade «musulman».
Rassinier, qui avait été prisonnier à Buchenwald, affirma qu'il n'en existait pas dans ce
camp et, pareillement à Dora, ce qui est historiquement exact. Ce fut un beau tollé et
il fut accusé publiquement en novembre 1950 de nier la présence de chambres à
gaz dans les camps de concentration, généralisation qu'il n'avait jamais faite. Dénoncé
avec hargne et fanatisme par les anciens détenus communistes, Rassinier, lui-même
socialiste, fut contraint de se faire éditer par l'extrême-droite. De nos jours, l'oeuvre de
Rassinier, par sa documentation obsolète, ne peut plus être considérée que comme une
curiosité annonciatrice du négationnisme.
«La persécution des juifs dans les pays de l'Est» désigna jusqu'à la fin des années
quarante les traitements infligés aux juifs par les Allemands. Le jugement formulé à
Nuremberg porte sur la «persécution» et non le «génocide» et indique: «Comme
moyen d'aboutir à la «solution finale» - il aurait fallu ajouter: «telle qu'elle fut définie
fin mars 1942» - les juifs furent réunis dans des camps, où l'on décidait de leur vie ou
de leur mort selon leur condition physique. Tous ceux qui le pouvaient encore
devaient travailler; ceux qui étaient hors d'état de le faire étaient exterminés dans des
chambres à gaz, après quoi on brûlait leurs cadavres. Certains camps de
concentration, tels que Treblinka et Auschwitz, furent principalement choisis à cette
fin». Deux livres majeurs vont introduire une thèse particulière, toujours admise de
nos jours par une majorité de personnes, mais dont l'irrecevabilité s'impose
progressivement grâce à une étude des archives allemandes, générales et techniques,
dégagée de la manie obsessionnelle de voir partout des mots «codés» pour pallier le
manque de documents. Ce furent The Final Solution [La solution finale] du britannique Gerald Reitlinger en 1953 et The Destruction of the European Jews [La destruction des juifs d'Europe] de l'américain Raul Hilberg en 1961. Ces livres présentaient le massacre des juifs comme un génocide, froidement organisé et exécuté
de manière ininterrompue, avec comme point de départ, soit le texte de Mein Kampf
où HITLER pense que, si, durant la première guerre mondiale, douze à quinze milles
Hébreux avaient été soumis aux gaz du front et liquidés ainsi, un million de vies
allemandes auraient pu être épargnées, soit les mesures d'exclusion administratives de
1933 et comme but ultime, l'anéantissement massif à Auschwitz en 1944. Reitlinger
constata pourtant que les survivants avaient tendance à exagérer, pour mieux faire
comprendre le désespoir de leurs vies dans les camps, et que les chiffres avancés
étaient à minorer fortement. Alors que Reitlinger reconnaissait qu'il ne pouvait
expliquer certains épisodes en contradiction avec ce qu'il pensait avoir été une
extermination systématique planifiée par les Nazis, Hilberg passa sur ces détails
gênants. Des deux livres, le moins nuancé, celui de Hilberg, l'emporta et devint un
classique du genre, au point d'éclipser totalement celui de Reitlinger. Actuellement, à
la librairie du musée de l'Holocauste à Washington, on peut acheter TOUS les livres
parus sur ce thème, SAUF celui de Reitlinger. Rassinier attaqua le travail de
Hilberg, mais sans vrai succès faute de nouveaux documents d'archives. Au début des
années soixante-dix, un ingénieur en électricité américain, Arthur R. Butz, fut révolté
par l'argumentation de Hilberg, perçue comme une tromperie grossière, au point qu'il
considéra le dit «génocide de six millions de juifs» comme «La mystification du
vingtième siècle», appellation qui devint le titre de son livre de réfutation publié en
1976. Pas plus que Reitlinger, artiste et collectionneur, et que Hilberg, professeur de
sciences politiques, Butz n'était historien. Mais il apportait un esprit et des
connaissances scientifiques que les historiens traditionnels ne possèdent pas, leur
formation étant littéraire. Par ailleurs, je pense que la récente «conversion» du célèbre
historien anglais David Irving au révisionnisme est due, elle aussi, aux outrances de la
thèse génocidaire exposée par Hilberg.
Puis vint Faurisson et sa négation farouche des chambres à gaz homicides. Le
«professeur de Vichy» est un littéraire, ayant saisi le rôle primordial de l'instrument
du meurtre massif, mais inapte à en réfuter scientifiquement l'existence. Il se servit
des arguments de Butz et c'est la raison principale de l'absence de publication du livre
de Butz en français.
Parmi les disciples importants de Faurisson, sont à retenir l'italien Carlo Mattogno,
travaillant sur les fours de la firme Topf afin de démontrer que leur rendement
incinérateur était incompatible avec le nombre avancé des victimes à brûler et le
canadien anglais John C. Ball, spécialisé dans l'étude des photographies aériennes des
camps de concentration, tentant de prouver, entre autres, que Belzec n'était qu'un
camp de bûcherons. Leurs travaux sont souvent originaux, mais l'axiome de Faurisson
sur l'inexistence des chambres à gaz homicides les empêche d'obtenir des résultats de
valeur. Est à mentionner à part, pour son rôle de propagandiste acharné des thèses
révisionnistes, le Canadien anglais Ernst Zündel qui fut l'accusé des deux procès dits
de Toronto.
Ce mouvement révisionniste est mondial et attire des personnes de sensibilité
politique différente. Leur contestation provient souvent de la découverte de la fausseté
patente d'un épisode qu'ils croyaient définitivement établi. Cette tendance à réétudier
l'histoire de la seconde guerre mondiale est propre à notre époque, jugeant les faits
avec un demi-siècle de recul. Dernièrement aux Etats-Unis, le cinquantenaire de la
destruction des villes d'Hiroshima et de Nagasaki a opposé les anciens combattants à
des historiens américains «contestataires» ou «révisionnistes» sur l'emploi justifié ou
non de la bombe atomique. Écourter la durée de la guerre et éviter le sacrifice d'un
million de vies américaines pour conquérir le [638] Japon est l'alibi classique utilisé
depuis la fin de la guerre pour légitimer les deux tueries nucléaires. Justifications
totalement fausses. Le Japon cherchait désespérément une sortie «honorable» et était
prêt à se rendre à la condition intangible que l'empereur reste en place. Les pertes
américaines prévues pour une dernière opération militaire décisive oscillent entre
26.000 et 46.000 et sont sans rapport avec le million généralement admis. Les deux
bombes ont été larguées sur des civils japonais surtout pour intimider les Soviétiques
et accessoirement convaincre les contribuables américains que les milliards de dollars
engloutis dans le «Manhattan Project» ne l'avaient pas été en vain. Mais ce qui est
frappant, est la cécité volontaire des acteurs refusant de mettre en cause les «acquis».
Aux États-Unis, les anciens combattants l'ont emporté sur les historiens. Pour
l'instant.
Selon vous, faire évoluer l'histoire de la période 1940-1945 est toujours
actuellement
impossible.
Sur des points mineurs, tout est possible ou, mieux, permis. Mais lorsqu'on touche aux
grandes questions ou aux affaires délicates, rien ne va plus. Soit une autorisation
officielle gouvernementale ou d'une autorité «reconnue» sera nécessaire, soit la
publication d'un résultat sera acceptée, mais le résultat en lui-même ne le sera pas et
restera lettre morte, soit enfin le texte tombera sous le coup d'une mesure
d'interdiction telle la loi Gayssot en France visant à réprimer la contestation de
«l'existence des crimes contre l'humanité sanctionnés par une juridiction française ou
internationale». Cette imbécillité réactionnaire communiste votée par une majorité de
députés soi-disants «progressistes» ne pourra encadrer politiquement l'histoire encore
très longtemps, parce que les acquis historiques ne sont pas fixés pour l'éternité et
fluctuent en fonction des décisions politiques, des documents retrouvés ou d'enquêtes
de recoupements inattaquables.
Le massacre des officiers polonais à Katyn fut attribué par le Tribunal de Nuremberg
aux Allemands, alors que tout le monde savait que c'était un mensonge éhonté. Dans
les années soixante-dix, un article sur Katyn incriminant les Soviétiques devait être
obligatoirement contre-balancé par un rectificatif communiste indiquant que les sales
fascistes allemands étaient les vrais et seuls coupables. Le gouvernement de l'URSS
n'a reconnu sa culpabilité qu'en 1990. De 1945 à 1990, il ne fut pas permis de dire la
vérité sur les responsables de la tuerie. Maintenant, ça l'est.
L'agression hitlérienne injustifiée de la pacifique Union des républiques socialistes
soviétiques en juin 1941 est un poncif que des millions d'enfants ont ânonnés sur les
bancs des écoles. Les premières grandes [639] victoires allemandes furent remportées
parce que la Wehrmacht surprit l'Armée rouge en plein mouvement de concentration,
quelques semaines avant qu'elle ne s'élance sur les autoroutes allemandes et n'essaie
de soumettre l'Europe. L'armement soviétique d'alors l'indique formellement: des
chars rapides inaptes à combattre en Russie; la formation d'un million de
parachutistes, corps offensif par excellence; des avions d'assaut entassés sur les
terrains en bordure de la frontière germano-soviétique. Détruire ses propres
fortifications frontalières est un signe qui, lui non plus, ne trompe pas sur les
intentions de celui qui l'entreprend. Ces faits sont connus, irréfutables, mais pour
Monsieur tout le monde, l'Allemagne a déclenché le conflit en se ruant à l'assaut d'un
calme pays dont l'industrie, proclamée planifiée pour la production de biens
d'équipement devant amplement combler les besoins du peuple, avait fabriqué
plusieurs dizaines de milliers de chars, entraînant une réduction honteuse du niveau de
vie des habitants, situation misérable maintenue par une terreur omniprésente.
Sans pousser jusqu'à l'absurde négation faurissonienne, l'étude des chambres à gaz
homicides réserve parfois des surprises de taille. A Dachau, la construction du
nouveau crématoire où se trouve la chambre à gaz dura de fin 1942 à avril 1943.
Elle devait servir à liquider les juifs occidentaux. Grâce aux sabotages des détenus
l'aménageant, elle ne put être opérationnelle qu'en 1945, trop tard pour être utilisée.
Ces données furent fournies après-guerre par le Comité international de Dachau. Un
gazage fut décrit par un ancien détenu médecin, le Dr Blaha, ayant été d'après la
version officielle, qu'en 1945. Mais Rascher fut arrêté par la police allemande le 28
mars 1944, parce que sa femme, prétendant être enceinte à l'âge de 51 ans, avait fait
voler un nourrisson pour le présenter comme étant le sien. Donc le gazage rapporté
par Blaha ne peut se situer qu'en 1944, avant l'arrestation de Rascher. Si on a la
curiosité de monter au grenier du crématoire, on peut y constater que l'ensemble de
l'appareillage technique de la chambre à gaz fut posé et est pratiquement intact,
exceptées quelques dégradations dues à la soldatesque américaine. Sur le caisson de la
soufflerie est fixée une plaque de fabrication donnant les caractéristiques du
ventilateur et son année de construction: 1944. Le gazage eut lieu entre janvier et fin
mars 1944 et plus probablement à la mi-mars. Portant sur sept détenus, deux semblent
en être morts. Le gaz utilisé était un vésicant, tel l'ypérite ou la Iéwisite, dont Rascher
voulait étudier la diffusion à diverses températures. Il s'agit donc d'une chambre à gaz
médicale expérimentale, et rien d'autre, n'ayant servi qu'une fois. Le film d'horreur
tourné par les Alliés [640] sur les camps et projeté au Tribunal de Nuremberg ne
montre qu'une seule chambre à gaz présentée comme homicide et fonctionnant au
Zyklon-B, celle de Dachau, ce qui est doublement inexact. Alors que reste-t-il dans ce
film, exactement, des accusations de gazages homicides massifs?
J'ai envoyé à la directrice du musée de Dachau un article d'une vingtaine de pages sur
sa chambre à gaz dans lequel j'exposais plus longuement les documents, les faits et les
raisons me conduisant à penser que cette chambre n'avait pas été prévue sur les plans
initiaux du nouveau crématoire, qu'elle avait été aménagée dans la morgue de ce
dernier fin 1943 - début 1944 sur ordre du Dr Rascher pour mener à bien une série
d'expériences médicales sur la diffusion de gaz vésicants en fonction de la
température. A ce jour, je n'ai reçu aucune réponse à ce texte. Aveuglement de
l'acquis. Sans commentaire.
A l'occasion du cinquantième anniversaire de la libération des camps, un livre
souvenir sur la déportation fut publié par Marcel Ruby évoquant dix-huit camps de
concentration et d'extermination. RUBY ne se fonde que sur les historiques déjà
publiés et n'a pas entrepris de recherches dans les archives. Je ne retiendrai de son
travail que les chiffres des victimes cités. Pour Dachau, 70.000 alors que le musée du
site donne environ 30.000. Natzweiler-Struthof en aurait provoqué 11.000, chiffre
donné par le comité d'entretien du camp au mépris de la réalité, proche de 2 à 3.000.
Pour les camps d'extermination, Ruby se réfugie derrière Hilberg «dont les travaux
font autorité». Les chiffres de Hilberg proviennent de sources polonaises qui n'ont
jamais été corrigés depuis 1950. Mais en 1990, les Polonais déclarèrent ces chiffres
«émotionnels», parce qu'établis sous le choc de l'ouverture ou de la découverte des
camps de la mort et, mais sans s'en vanter, durant la période stalinienne. Ce système,
consistant à s'abriter derrière l'autre, devient dangereux dès que le premier de la file se
retire. J'ai essayé de cerner le nombre de victimes des camps dits d'extermination sur
des bases matérielles: surface de la chambre à gaz et quantité de personnes pouvant y
tenir, temps d'un gazage, nombre de gazages quotidiens, nombre de convois arrivant
par jour en fonction des capacités réelles des chambres, etc. Par rapport à ceux de
Hilberg, empruntés aux Polonais, voici les chiffres que j'obtiens. Chelmno: de 80 à
85.000 au lieu de 150.000; Belzec: de 100 à 150.000 au lieu de 550.000; Sobibor: de
30 à 35.000 au lieu de 200.000, Treblinka: de 200 à 250.000 au lieu de 750.000;
Maïdanek: moins de 100.000 au lieu de 360.000. En fait, Ruby, tout en se targuant de
l'autorité de Hilberg, ne tient pas compte de ses rectifications - mineures - des chiffres
polonais et produit ces derniers dans leur exagération d'origine. Le coefficient
multi[641]plicateur émotionnel varie de 2 à 7 et est en moyenne de 4 à 5. Cette
moyenne s'applique parfaitement à Auschwitz.
Dans le cas de ce complexe concentrationnaire, dès 1945, les SS ont reconnu qu'ils
avaient perdu toute notion du nombre de morts, parce qu'il y en avait trop pour que
l'esprit humain puisse le concevoir. Quant aux anciens détenus, leurs chiffres sont le
fruit de rumeurs d'époque amplifiées par leur imaginaire. Les acteurs du drame sont
incapables de fournir le moindre chiffre valable, aussi bien les SS débordés par la
mortalité épidémique et par celle qu'ils provoquaient que les détenus faute
d'information concrète. Seuls les historiens peuvent tenter d'obtenir un ordre de
grandeur chiffré sûr. Le chiffre de quatre millions de victimes, fixé après la guerre
après négociations entre les responsables communistes soviétiques et polonais, est de
propagande et sans fondement historique. Même un Ruby en convient et avance 1,2
million. Le chiffre le plus sérieux avant mon estimation est celui d'un historien
polonais, Franciszek Piper, avançant 1,1 million en 1990. De mon côté, j'ai proposé
800.000 puis, après une étude plus détaillée de la déportation des juifs de Hongrie,
700 000. Ruby, comme d'ailleurs Vidal-Naquet, qui n'y connaissent rien, ne peuvent
que trouver mon résultat trop faible. Le gouvernement polonais n'a pas retenu l'étude
de Piper et a imposé, pour des raisons politiques, qu'un million et demi de personnes
étaient mortes à Auschwitz-Birkenau.
L'obstination des anciens déportés à défendre des faits ou des chiffres historiquement
inacceptables compromet gravement leur volonté de transmission de la «Mémoire».
En imposant par une loi répressive les jugements du Tribunal de Nuremberg, ils tuent
la seule partie relativement valable de ce dernier, à savoir la publication des
documents allemands à charge. Quelle valeur pourront retenir les générations futures
d'un procès où les traductions allemandes furent biaisées, certains dossiers élagués
(cas du dossier SS sur le nouveau crématoire de Dachau), avec en prime, un film
d'accusation ne reposant plus sur rien? Je ne compte pas les tortures infligées aux
accusés lors des procès dits de Dachau.
Quant au massacre des juifs, plusieurs notions fondamentales doivent être entièrement
reprises. Les chiffres avancés sont à revoir de fond en comble. Le terme «génocide»
ne convient plus. Des 1961, HILBERG employait le mot «destruction» dans le titre de
son livre. Il faut abandonner le concept d'une extermination systématique programmée
dès l'origine. Il eut plutôt une radicalisation progressive, imposée par la guerre qui
elle-même exacerbait l'antisémitisme violent de Hitler et de son entourage direct. Des
mesures de plus en plus coercitives, de plus en plus drastiques, furent élaborées et
appliquées pour aboutir en avril 1942 au «massacre de masse».